Espérer

Espérer, c’est quelque chose de très concret. C’est croire que Dieu nous rend capables de poser des actes éternels. Ce sont bien sûr les actes d’amour. Ce sont eux qui construisent, dans notre monde déjà, l’éternité, le Royaume de Dieu

La vie éternelle permet de prendre notre monde au sérieux. En le regardant pour ce qu’il est. En donnant à chacun sa juste place, son juste poids.

Espérer, ce n’est pas se mentir ou se voiler la face, mais croire que l’amour est plus solide que le reste. Parce que, contrairement à nos ambitions, nos richesses, nos conflits, tout ce qui nous distrait trop souvent de l’essentiel, l’amour a les promesses d’éternité.

Quand le monde qui nous entoure nous fait peur, l’espérance chrétienne ne nous invite pas à attendre que Dieu détruise ce monde-là pour en construire un autre. Elle nous pose une question très simple : comment faire de tout cela une occasion d’aimer davantage ?

Veilleur, où en est la nuit, Adrien Candiard, Eds Cerf

Il faut passer par le désert

Il faut passer par le désert et y séjourner pour recevoir la Grâce de Dieu; c’est là qu’on se vide, qu’on chasse de soi tout ce qui n’est pas Dieu et qu’on vide complètement cette petite maison de notre âme pour laisser toute la place à Dieu seul.

Les Hébreux ont passé par le désert, Moïse y a vécu avant de recevoir sa mission, saint Paul, saint jean Chrysostome se sont aussi préparés au désert C’est indispensable… C’est un temps de grâce, c’est une période par laquelle toute âme qui veut porter des fruits doit nécessairement passer.

Il lui faut ce silence, ce recueillement, cet oubli de tout le créé, au milieu desquels Dieu établit son règne et forme en elle l’esprit intérieur.

La vie intime avec Dieu, la conversation de l’âme avec Dieu dans la foi, l’espérance et la charité. Plus tard l’âme produira des fruits exactement dans la mesure où l’homme intérieur se sera formé en elle.

Si cette vie intérieure est nulle, il y aura beau avoir du zèle, de bonnes intentions, beaucoup de travail, les fruits sont nuls: c’est une source qui voudrait donner de la sainteté aux autres, mais qui ne peut, ne l’ayant pas: on ne donne que ce qu’on a et c’est dans la solitude, dans cette vie, seul avec Dieu seul, dans ce recueillement profond de l’âme qui oublie tout le créé pour vivre seule en union avec Dieu, que Dieu se donne tout entier à celui qui se donne ainsi tout entier à Lui.

Père Charles de Foucault, Lettre au père Jérôme

L’amour véritable

L’amour véritable et parfait se mesure à la grande espérance et à la confiance que l’on a en Dieu, car aucune chose ne mesure mieux l’amour accompli que la fidèle confiance. La fidèle confiance révèle combien une personne aime l’autre ; et toute la fidèle confiance que l’on ose avoir en Dieu, on la trouve vraiment en lui, et mille fois davantage. De même qu’un homme ne peut jamais trop aimer Dieu, jamais un homme ne pourrait avoir trop de fidèle confiance envers Dieu. Tout ce que l’on peut faire par ailleurs n’est pas aussi avantageux que la grande fidèle confiance envers Dieu. Avec tous ceux qui ont eu grandement confiance en lui, il n’a jamais manqué d’accomplir de grandes choses. Chez tous ceux-là, il a bien montré que cette fidèle confiance a l’amour pour origine, car l’amour n’a pas seulement fidèle confiance, il a aussi un vrai savoir et une certitude exempte de doute.

Maître Eckart

Conseils spirituels

Le Dieu que je vénère

 » Le Dieu que je vénère ne déclenche ni pensées ni actions négatives. Il éclaire, il apaise, il produit de l’amour. Loin d’augmenter les fissures ou d’amplifier les divisions, il nous fait pénétrer dans l’unité et l’harmonie du Tout. Il nous remplit de reconnaissance, pas de jalousie. Il comble nos frustrations ou nous signale leur ridicule. Il nous agrandit au lieu de nous rapetisser, tout en nous ramenant à une humilité modeste. Ce Dieu-là n’exige pas qu’on tue mais qu’on aime et qu’on perpétue la vie. »

( L’homme qui voyait à travers les visages – Éric-Emmanuel Schmitt)

Sur le Travail

Or, nous apprenons que certains d’entre vous mènent une vie déréglée, affairés sans rien faire.
A ceux-là, nous adressons dans le Seigneur Jésus Christ cet ordre et cet appel :
qu’ils travaillent dans le calme pour manger le pain qu’ils ont gagné.
Thessaloniciens 3, 11-12

mpc1Puis un laboureur dit : « Parle-nous de Travail ».
Et il répondit, en disant :
« Vous travaillez pour vous maintenir au diapason de la terre et de l’âme de la terre.
Car être oisif c’est devenir étranger aux saisons, et s’écarter de la procession de la vie qui marche avec majesté et fière soumission vers l’infini.
Quand vous travaillez, vous êtes une flûte, où, à travers son coeur, les soupirs de vos heures se métamorphosent en mélodie.
Qui parmi vous souhaiterait rester tel un roseau vierge de son, alors qu’autour de vous tout chante à l’unisson ?
Il vous a toujours été dit que le travail est malédiction et le labeur un malheur.
Mais moi je vous dis que quand vous travaillez vous oeuvrer à réaliser une parcelle du rêve le plus ancien de la terre, qui vous fut attribué quand naquit ce rêve,
Et vivre en harmonie avec le travail c’est en vérité aimer la vie,
Et aimer la vie à travers le travail c’est être initié au secret le plus intime de la vie.
Mais si dans votre douleur vous appelez la naissance une affliction et le poids de la chair une malédiction inscrite sur votre front, alors sachez que seule la sueur de votre front pourra laver ce qui y est inscrit. »
Il vous a été dit aussi que la vie n’est que ténèbre, et à chaque fois que vous soupirez de lassitude, vous le répétez tout bas, en vous faisant l’écho de ceux qui avant vous ont été las.
Or moi je vous dit que la vie est ténèbre si elle n’est pas animée par un élan,
Et tout élan est aveugle s’il n’est pas guidé par le savoir,
Et tout savoir est vain s’il n’est pas accompagné de labeur,
Et tout labeur est futile s’il n’est pas accompli avec amour ;
Et quand vous travaillez avec amour vous resserrez vos liens avec vous-même, avec autrui, et avec Dieu. »
Et qu’est-ce que travailler avec amour ?
C’est tisser un vêtement avec des fils tirés de votre coeur, comme si votre bien-aimée devait le porter.
C’est construire une maison avec affection, comme si votre bien-aimée devait y habiter.
C’est semer des graines avec tendresse et récolter la moisson avec joie, comme si votre bien-aimée devait en manger le fruit.
C’est insuffler en toutes choses que vous façonnez un zéphyr de votre esprit,
Et savoir que tous les morts bienheureux se tiennent auprès de vous et vous regardent.
Je vous ai souvent entendu répéter, comme si vous balbutiiez dans votre sommeil : « Celui qui travaille le marbre, et découvre la forme de son âme dans la pierre, est plus noble que celui qui travaille la terre.
Et celui qui saisit l’arc-en-ciel et parvient à le coucher sur sa toile sous forme de portrait d’homme, est plus honorable que celui qui fabrique des sandales pour nos pieds. »
Mais je vous réponds, non pas dans mon sommeil mais au zénith de mon éveil, que le vent ne murmure pas au chêne géant des mots plus caressants que ceux qu’il adresse au plus frêle des brins d’herbe;
La grandeur réside en celui qui transforme la voix du vent en une mélodie rendue plus suave par son propre amour. »
Le travail est l’amour rendu visible.
Et si vous ne pouvez travailler avec amour mais seulement avec répugnance, mieux vaut abandonner votre travail et vous asseoir à la porte du temple, demandant l’aumône à ceux qui oeuvrent avec joie.
Car si vous pressez le pain avec indifférence, votre pain sera amer et n’assouvira qu’à moitié la faim de l’homme.
Et si vous pressez les grappes de raisin à contre-coeur, vous distillerez le poison de votre rancoeur dans le vin.
Et même si vous chantez comme des anges, sans être pour autant passionné de chant, vous rendrez l’homme sourd aux voix de jour et aux voix de la nuit. »
Khalil Gibran (Le Prophète)

La vie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« La vie est un défi à relever, un bonheur à mériter, une aventure à tenter »

(Mère Teresa)

L’amour

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« L’amour est le miracle d’être un jour entendu jusque dans nos silences, et d’entendre en retour avec la même délicatesse : la vie à l’état pur, aussi fine que l’air qui soutient les ailes des libellules et se réjouit de leur danse. »

Christian Bobin

Dieu fait feu de nos égarements, féconde nos errements

Cristo_Redentor_Rio_de_Janeiro_4Dieu est patience. Il est consentement à notre histoire, à nos détours, à nos refus, à nos retards, nos péchés, nos blessures, nos dégoûts.
Si nous y consentons, il en fait autant de failles par où passe la grâce.
Par là, il est un Dieu créateur.
C’est pourquoi, si l’homme est toujours prêt de s’éloigner de Dieu, Dieu de son côté, est toujours prêt à le suivre.
Dieu a une entière disponibilité à ce qui se crée sous le règne chaotique de la liberté des hommes.
Il dit oui à tout, faisant de nos morts des perspectives de vie plus intenses, fécondant tout au gré de son amour.
Avec nos blessures, il nous ouvre à autrui. Avec nos péchés, il fabrique les grands retours.
Avec les dissections religieuses, il prépare de grands pardons.
Dieu fait feu de nos égarements, féconde nos errements.
Il ne s’agit donc que de tomber dans ses bras perpétuellement ouverts.

Le petit traité de la joie
Martin Stephens

Vaincre l’orgueil

humilitéLa prière du Carême énumère d’une façon très heureuse tous les éléments négatifs et positifs du repentir, et constitue en quelque sorte un aide-mémoire pour notre effort personnel de Carême. Cet effort vise d’abord à nous libérer de certaines maladies spirituelles fondamentales qui imprègnent notre vie et nous mettent pratiquement dans l’impossibilité de commencer même à nous tourner vers Dieu.

La maladie fondamentale est l’oisiveté, la paresse. Elle est cette étrange apathie, cette passivité de tout notre être, qui toujours nous tire plutôt vers le bas que vers le haut, et qui, constamment, nous persuade qu’aucun changement n’est possible, ni par conséquent désirable. C’est, en fait, un cynisme profondément ancré qui, à toute invitation spirituelle, répond :  » À quoi bon ?  » et qui fait ainsi de notre vie un désert spirituel effrayant. Cette paresse est la racine de tout péché, parce qu’elle empoisonne l’énergie spirituelle à sa source même.

La conséquence de la paresse, c’est le découragement. C’est l’état d’acédie, ou de dégoût, que tous les Pères spirituels regardent comme le plus grand danger pour l’âme. L’acédie est l’impossibilité pour l’homme de reconnaître quelque chose de bon ou de positif : tout est ramené au négativisme et au pessimisme. C’est vraiment un pouvoir démoniaque en nous, car le diable est fondamentalement un menteur. Il ment à l’homme au sujet de Dieu et du monde ; il remplit la vie d’obscurité et de négation. Le découragement est le suicide de l’âme, car lorsque l’homme en est possédé, il est absolument incapable de voir la lumière et de la désirer.

Aussi étrange que cela puisse paraître, c’est précisément la paresse et le découragement qui emplissent notre vie du désir de domination. En viciant entièrement notre attitude devant la vie, et en la rendant vide et dénuée de tout sens, ils nous obligent à chercher compensation dans une attitude radicalement fausse envers les autres. Si ma vie n’est pas orientée vers Dieu, ne vise pas les valeurs éternelles, inévitablement elle deviendra égoïste et centrée sur moi-même, ce qui veut dire que tous les autres êtres deviendront des moyens au service de ma propre satisfaction. Si Dieu n’est pas le Seigneur et Maître de ma vie, alors je deviens mon propre seigneur et maître, le centre absolu de mon univers, et je commence à tout évaluer en fonction de mes jugements. De cette façon, l’esprit de domination vicie à la base mes relations avec les autres , je cherche à me les soumettre. Il ne s’exprime pas nécessairement dans le besoin effectif de commander ou de dominer les autres. Il peut tout aussi bien tourner à l’indifférence, au mépris, au manque d’intérêt, de considération et de respect. C’est bien la paresse et le découragement, mais cette fois dans leur référence aux autres ; ce qui achève le suicide spirituel par un meurtre spirituel.

Et pour finir, les vaines paroles. De tous les êtres crées, seul l’homme a été doté du don de la parole. Tous les Pères y voient le  » sceau  » de l’image divine en l’homme, car Dieu lui-même s’est révélé comme Verbe (Jn 1,1). Mais du fait qu’il est le don suprême, le don de la parole est par là même le suprême danger. Du fait qu’il est l’expression même de l’homme, le moyen de s’accomplir lui-même, il est, pour cette raison, l’occasion de sa chute et de son autodestruction, de sa trahison et de son péché. La parole sauve et la parole tue ; la parole inspire et la empoisonne. La parole est instrument de vérité et la parole est moyen de mensonge diabolique. Ayant un extrême pouvoir positif, elle a, partant, un terrible pouvoir négatif. Véritablement, elle crée, positivement ou négativement. Déviée de son origine et de sa fins divines, la parole devient vaine. Elle prête main forte à la paresse, au découragement, à l’esprit de domination, et transforme la vie en enfer. Elle devient la puissance même du péché.

Voilà donc les quatre points négatifs visés par le repentir ; ce sont les obstacles qu’il faut éliminer ; mais seul Dieu peut le faire. D’où la première partie de la prière de Carême : ce cri du fond de notre impuissance humaine. Puis la prière passe aux buts positifs du repentir qui sont aussi au nombre de quatre.

Si l’on ne réduit pas la chasteté, comme on le fait souvent de façon erronée, à son acceptation sexuelle, la chasteté peut être considérée comme la contrepartie positive de la paresse. La traduction exacte et complète du terme grec sophrosyni et du russe tsélomoudryié devrait être  :  » totale intégrité « . La paresse est avant tout dispersion, fractionnement de notre vision et de notre énergie, incapacité à voir le tout. Son contraire est alors précisément l’intégrité. Si par le terme de chasteté, nous désignons habituellement la vertu opposée à la dépravation sexuelle, c’est que le caractère brisé de notre existence n’est nulle part ailleurs plus manifeste que dans le désir sexuel, cette dissociation du corps d’avec la vie et le contrôle de l’esprit. Le Christ restaure en nous l’intégrité et il le fait en nous redonnant la vraie échelle des valeurs, en nous ramenant à Dieu.

Le premier fruit merveilleux de cette intégrité ou chasteté est l’humilité. Elle est par-dessus tout la victoire de la vérité en nous, l’élimination de tous les mensonges dans lesquels nous vivons habituellement. Seule l’humilité est capable de vérité, capable de voir et d’accepter les choses comme elles sont et donc de voir Dieu, sa majesté, sa bonté et son amour en tout. C’est pourquoi il nous est dit que Dieu fait grâce à l’humble et résiste au superbe (Pr 3,34 ; Jc 4,6 ; 1P 5,6).

La chasteté et l’humilité sont naturellement suivies de la patience. L’homme  » naturel  » ou  » déchu  » est impatient parce que, aveugle sur lui-même, il est prompt à juger et à condamner les autres. N’ayant qu’une vision fragmentaire, incomplète et faussée de toutes choses, il juge tout à partir de ses idées et de ses goûts. Indifférents à tous, sauf à lui-même, il veut que la vie réussisse ici-même et dès maintenant. La patience, d’ailleurs, est une vertu véritablement divine. Dieu est patient non pas parce qu’il est  » indulgent « , mais parce qu’il voit la profondeur de tout ce qui existe, parce que la réalité interne des choses que, dans notre aveuglement, nous ne voyons pas, est à nu devant lui. Plus nous nous approchons de Dieu, plus nous devenons patients pour tous les êtres, qui est la qualité propre de Dieu.

Et enfin, la couronne et le fruit de toutes les vertus, de toute croissance et de tout effort, est la charité, cet amour qui ne peut être donné que par Dieu, ce don qui est le but de tout effort spirituel, de toute préparation et de toute ascèse.

Tout ceci se trouve résumé et rassemblé dans la demande qui conclut la prière de Carême et dans laquelle nous demandons  » de voir mes fautes et de ne pas juger mon frère « . Car, finalement, il n’y a qu’un danger : celui de l’orgueil. L’orgueil est la source du mal et tout mal est orgueil. Pourtant, il ne me suffit pas de voir mes propres fautes, car même cette apparente vertu peut tourner en orgueil. Les écrits spirituels sont remplis d’avertissements contre les formes subtiles d’une pseudo-piété qui, en réalité, sous couvert d’humilité et d’auto-accusation, peut conduire à un orgueil vraiment diabolique. Mais quand nous  » voyons nos fautes  » et  » ne jugeons pas nos frères « , quand, en d’autres termes, chasteté, humilité, patience et amour ne sont plus qu’une même chose en nous, alors et alors seulement, le dernier ennemi – l’orgueil – est détruit en nous.

Extrait d’Alexandre Schmemann, Le Grand Carême :
Ascèse et Liturgie dans l’Église orthodoxe.
Éditions de l’Abbaye de Bellefontaine, 1977.