Le retour du Fils prodigue

Un homme qui avait deux fils, à donné la part qui leur revenait à chacun. L’un deux quitta le père pour aller dilapider tout son bien. Puis ruiné, il s’est retrouvé à travailler comme un esclave à faire paître les porcs, n’ayant même pas le droit, pour subsister de manger les gousses que les porcs mangeaient (voir Luc 15, 11-32).

On comprend que le bien dilapidé, c’est l’or spirituel, le « Bien ». C’est une manière de gâcher et de détruire, le bien spirituel sacré que nous offre le monde spirituel dans des moments de grâce, pour nous encourager sur le chemin de notre destinée.

Le fils rentra en lui-même et se dit : »Combien de serviteurs chez mon père ont du pain en surabondance, alors que moi ici, je meurs de fin ». « Il rentra en lui »: cela fait penser à la méditation. Il pense aux serviteurs de son père qui ont accès au Pain de Vie à volonté. C’est le pain du premier « Je suis » du Christ, c’est la vie spirituelle. Le fils ayant tourné le dos à son âme, à son père et à Dieu, s’est condamné lui-même à mourir spirituellement.

Ce risque de se détourner de Dieu a bien été souligné dans lors des trois tentations du Christ liée aux trois conditions de la Chute, qu’Il a vécu dans le désert : l’une d’entre elles étant de transformer les pierres en pain pour se nourrir (par miracle et donc sans faire d’effort), en se détournant du Pain de Vie, le pain de Dieu, qu’est la nourriture spirituelle. Le Christ a répondu « Il est écrit que l’homme ne vivra pas de pain seulement. » (Luc 4,4) Cela correspond à la tentation et la faute du fils prodigue : il a sombré dans le matérialisme et la gourmandise (en réponse aux plaisirs des sens physiques) : il a dilapidé son « capital spirituel », pour finir par être réduit à l’état d’esclave, enchaîné à la terre, à la matière, la matrice…

Allez, une petite note d’espérance : se retourner vers Dieu par amour, c’est retrouver sa foi et l’agir, d’où la phrase du Christ lors des « miracles » : « ta foi t’a guéri. »

La parabole de l’enfant prodigue englobe bien la guérison des trois conditions de la Chute: le fils se retourne, et retrouve la foi en faisant l’effort, le travail de reconnaître ses fautes, et en se retournant de nouveau vers le divin, par amour, il guérit de sa souffrance et du mal d’avoir trahi son père, ce qui lui permet de revenir de la mort (en esprit) pour revenir à la vie spirituelle, qui est elle, est éternelle.

Je me lèverai pour aller vers mon père et lui dire : « j’ai péché au regard du ciel et devant toi. » Le fils reconnait sa faute. Le fait de retourner vers son père et de reconnaître sa faute devant Dieu, d’avoir dilapidé les biens, c’est à dire le Bien, marque son repentir. Alors le père demande à ce qu’il soit mis un anneau à son doigt, et demande que soit organisée une fête dans la joie, parce que pour lui « il était mort, et il est de retour à la vie », à la vie spirituelle. L’anneau marque la nouvelle alliance du fils avec son père, ce qui fait penser bien sûr la nouvelle Alliance apportée par le Fils de Dieu pour retourner vers le Père, Alliance annoncée, représentée lors du rituel de la Cène, mais aussi vécue et accomplie par le Christ en modèle.

« Car ce n’est que par amour que le fils prodigue retournera dans la maison de son Père… »L’être humain qui a chuté, qui comprend, tire des leçons, change sa manière de penser et d’agir en renouant avec ma nature spirituelle (l’âme), grâce à sa foi, à sa confiance et à son courage, il rouvre son cœur et retrouve l’amour. Cet engagement nouveau est célébré et marqué par la nouvelle alliance crée entre lui et le monde spirituel.

Si j’ai la confiance dans la bienveillance du Christ, je trouve le courage de faire des choix et d’agir en tempérant ces désirs qui finissent par me mener à la faute, et à chuter.

Moi seule peut me demander : suis-je comme Dieu ?, suis-je à la ressemblance de mon âme ? ai-je agi son vouloir ? Le repentir commence par le fait de ressentir l’importance vitale de retrouver le lien à l’âme, car c’est elle en premier lieu qui a été trahie. En me liant peu à peu de nouveau à elle, mon coeur s’ouvre de plus en plus, et je retrouve peu à peu un vouloir qui me dépasse, celui du bien collectif.

Dans la parabole du fils prodigue, le Christ parle en premier de la joie du berger quand il récupère des brebis égarées, tout comme le fils repenti se retourne avant d’être pardonné. C’est l’amour qui ramène la brebis égarée au bercail : « Il y a autant de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui change sa manière de penser que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de changement » (Luc 15,7) Le berger a occupé tout son temps à chercher et à trouver la brebis égarée pour la ramener, ce qui fait qu’il n’a pas pu, pendant ce temps là s’occuper des autres. Le berger pense au bien des individualités comme au bien collectif.

Quitter la bergerie par faiblesse ou par lâcheté, c’est contre nature, c’est anti-christique. En renouant avec l’Idéal qui nous a toujours émerveillé, seuls la reconnaissance du Bien en soi, l’amour pour ce Bien et le choix conscient de ce Bien, manifestés à travers des actes de foi, des actes de don, permet d’effectuer un retour vers Dieu, car c’est le seul moyen de retrouver sa dignité, par rapport à soi-même, en pouvant se regarder de nouveau dans la glace. Cela demande du courage, d’opérer des changements, et de faire une sorte de saut dans le vide pour dépasser les craintes viscérales et égotiques qui avaient eu raison de notre chute.

« C’est ainsi que nait la joie parmi les Anges de Dieu, pour un seul pécheur qui change sa manière de penser ». (Luc, 15,10)

Finalement, cette parabole renvoie beaucoup aux sept « Je Suis » du Christ :

  1. Dans « Je suis le Pain de Vie », nous retrouvons l’importance de la nourriture spirituelle, représentée par la pratique de la vie intérieure, qui fait que nous sommes tournés vers le ciel et que nous collaborons, avec Dieu. Le fils prodigue avait tourné le dos à son père, donc au ciel.
  2. Dans « Je suis la Lumière du Monde »«  : à la femme adultère, le Christ dit : « Va, et ne pèche plus » en écrivant dans le sable le mal qu’elle a fait (qui s’enregistre en tant que dette à régler). La lumière a éclairé le mal, pour qu’elle en prenne conscience et qu’elle puisse le rédempter. La lumière dans la vie intérieure permet de prendre conscience du mal à transformer en bien. Le fils prodigue n’a pris conscience du mal qu’il a fait que lorsqu’il a brutalement chuté et que sa cause était devenue désespérée. Il était le seul à pouvoir se sauver lui-même.
  3. Dans « Je suis la Porte » : « quiconque entrera par moi sera guéri ». Il s’agit de la porte de la bergerie, la porte du cœur, la porte du temple sacré aussi, où il est demandé de prendre garde aux voleurs qui essaient de passer par le toit. Les voleurs sont les tentations, les désirs destructeurs qui veulent anéantir le temple. Il est important de prendre soin de son temple et de le protéger. Les brebis doivent faire attention aux voleurs, et ne pas se tromper de porte. Le fils prodigue s’est laissé tenter par l’avidité, le plaisir des sens sans voir qu’il se détournait du Bien en dilapidant ses biens.
  4. Dans « Je suis le Bon Berger » : c’est le point central des sept « Je suis ». Le Berger « repêche » les brebis égarées, mais essaie aussi d’en attirer un maximum dans la bergerie qu’est son temple, car les brebis le reconnaissent à sa voix, par la force de Son Verbe. Il se donne entièrement pour cela, Il offre son âme. « Il y aura une seul berger et un seul troupeau. » Il fait en sorte d’éloigner le loup pour protéger la bergerie. Ce « Je suis », c’est la rencontre du Christ dans son coeur à travers le lien à l’âme. Ce quatrième « Je suis », fait penser à la parabole du fils prodigue, où la joie du père qui retrouve le fils prodigue, est comparée à celle du Berger qui fête les retrouvailles d’une brebis perdue qui retrouve sa nature spirituelle et christique.
  5. Dans « Je suis la Résurrection, la Vie » : le Christ prononce ce Je suis lors de la résurrection de Lazare, qui montre au monde la plus grande espérance qui soit, si nous suivons le chemin du Christ : la résurrection et même la vie éternelle, qui nous rapproche au plus près du Père. Le fils prodigue, par son retour a gagné un bout de vie éternelle.
  6. Dans « Je suis la Voie, la Vérité, la Vie » : on passe au niveau supérieur. le Christ dit « Nul ne vient au Père sinon par moi ». Par son modèle, il montre le chemin christique à imiter, pour accéder à la vérité, en passant par la souffrance, notamment pour se rédempter et renaître à la vie véritable. Le fils prodigue en est là : il est au début de ce chemin pour retrouver Dieu le Père.
  7. Dans « Je suis le Cep de Vigne ». le Christ fait référence à la communauté des disciples, alors qu’il leur fait ses adieux pendant la Cène. Le point de départ était le Pain, le point final est le Vin. Le Pain et le Vin se partagent entre frères et sœurs de la communauté spirituelle dans le rituel sacré de l’Eucharistie. Ce qui désigne un but fraternel. Pour faire un vin de qualité, le Christ, Cep de Vigne porte les sarments, et Il jette les mauvais sarments pour ne garder que ceux qui portent du fruit : seuls les êtres qui donnent le meilleur d’eux-mêmes au monde dans le dessein de Dieu, sont dignes de faire partie de cette communauté, au service du Christ, pour honorer le Père. Le fils prodigue en sera-t-il ? Marie-Madeleine a été pardonnée parce qu’elle a beaucoup aimé, et elle a fait partie de la première communauté aux côtés du Christ, car elle a fait ce retournement vers le Bien, et elle s’est donnée sans limite, par amour.

Que cet appel au repentir par amour nous aider à transformer nos échecs et nos erreurs en bénédictions.

© Rosa Lise


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