Le mythe de Persée et l’étoffe des héros

La légende : Persée se voit confier la mission de tuer la gorgone Méduse dont le regard pétrifie ceux qu’il atteint. Vainqueur grâce aux armes magiques remises par Hermès et Athéna, il passe sur le chemin du retour par l’Éthiopie, où il rencontre la princesse Andromède, qui doit être livrée à un monstre marin en punition des paroles imprudentes de sa mère Cassiopée. Persée la délivre et l’épouse.

Dans la société, bien souvent, quelqu’un qui s’engage pour quelque chose, même pour une bonne cause, a une part de lui exige inconsciemment une récompense, comme le petit enfant qui attend le cadeau du père Noël quand il a été sage. A l’inverse, quand il sait que qu’il n’a pas bien accompli ce qu’il avait à faire, il s’attend à la punition du père Fouettard. La question sous-jacente est : que va-t-on penser de lui ? Ce qui est pour le moins égocentrique.
Tout ceci ressemble étrangement aux lois de l’Ancien Testament, avec en arrière-plan un problème de valeur dû à l’ignorance ou à l’oubli de qui l’on est et ce de que l’on vaut vraiment. La culpabilité maintient dans un rapport d’autorité qui empêche de regarder en face sa propre destinée. Ce qui empêche donc d’être sincère. Une telle lâcheté, et la honte qui va avec, ne permet de regarder ni le bien, ni le mal en face. Ne dit-on pas que les lâches ont un regard fuyant ? Cela génère un ressenti de malaise…
L’ engagement véritable nécessite un « supplément d’âme ». C’est une sorte de rite de passage de l’enfance à l’adultat.

A mon sens, un engagement vrai demande d’avoir l’étoffe d’un héros. Il nécessite de se surpasser pour une cause noble et aucunement pour des fins personnelles. De même que Persée s’est engagé au départ pour protéger sa mère et non dans le but d’épouser Andromède qu’il ne connaissait pas !

Mais comment y parvenir ? Heureusement, le héros est aidé dans sa tâche tout comme Persée fut coaché par Athéna. Il dispose des outils pour apprendre à se préparer à l’action et à dominer ses démons intérieurs qui voudraient bien croquer le beau joyau que qu’il tient tant à donner !

Prenons l’exemple du démon « autorité du passé » qui nous habille en gris et fait de nous des êtres tièdes : le but est de passer, comme Persée l’a fait, de la pensée passéiste qui fige tout, à une nouvelle forme de pensée vivante et dont Athéna est la divine ambassadrice, et Hermès, l’allié :

  • Les sandales ailées permettent de prendre de la hauteur pour analyser globalement, tant en soi que dans la vie quand, comment et pourquoi on subit l’autorité, quand on réclame punition ou récompense.
  • Le casque ailé rend invisible au mal, il ne peut donc pas nous ébranler. La pensée est concentrée su l’Idéal : tout cela devient chimère, ont veut seulement protéger le bien en soi du monstre Gorgone qui croupit dans la mare de l’inconscient.
  • Le bouclier miroir aide à se décoller intérieurement ses comportements anciens, à ne pas s’y identifier, en évitant de regarder le mal en face, tel Persée, tout affinant sa stratégie pour le terrasser. Ainsi, cela évite d’être pétrifié dans ce comportement du passé dont on veut guérir. La Gorgone se regardant dans le miroir dirigé vers elle, est prise à son propre piège, elle est pétrifiée : c’est la technique de l’arroseur arrosé ! Le temps sur le passé fait d’autorité et d’ignorance s’est enfin arrêté.
  • L’épée magique avec sa lame effilée sert à couper court, à trancher net la tête de la Gorgone. Paisiblement, dans la conscience de la volonté de bien, tel le doux visage de Saint-Michel qui semble être en paix lorsqu’il terrasse le dragon. On coupe avec ce passé pour pouvoir ensuite apprendre à découvrir la réalisation de son futur.
  • La besace sert à ranger la tête maléfique, ce mal qui vient d’être arraché de soi, afin qu’il ne puisse plus nuire, en attendant de s’en débarrasser définitivement d’agir le bien.

Après cette préparation intérieure, arrive l’action en elle-même :
Quand le héros agit pour un but élevé, il donne de soi. En ayant saisi sa vraie valeur, il n’attend plus rien, car il ne se sens pas vide : il donne ce qu’il porte en lui sans attente, et il agit simplement ce pour quoi il est sur terre.
Alors il n’y a plus de besoin de reconnaissance ou d’évaluation extérieure. Rien ne peut l’arrêter, pas même sa peur, car il se sens fort dans sa foi, du bien qu’il veut accomplir : et plus il l’accomplit, plus il devient difficile de le corrompre. La tête dans la besace pourra disparaître définitivement.

Ensuite seulement intervient, le cas échéant, la grâce divine qui n’est pas une récompense, mais une sorte de célébration partagée de la victoire de la lumière sur la matière : tout comme Persée s’est unit à Andromède.
Cette grâce, c’est de ressentir qu’à chaque fois le bien est accomplis, s’affaiblit le monstre Cetus qui voudrait que tout redevienne comme avant, en restant concentré au quotidien sur son idéal : c’est donner graduellement un peu de la vie, de l’amour et de la lumière dans le monde.

Après l’aventure, il est temps de tirer une leçon de l’expérience : croire que le monde divin juge, condamne ou récompense est un mensonge qui nous arrangeait bien, car il nous empêchait d’agir en se confortant dans ses peurs.
Si des résurgences apparaissent, il est toujours possible de sortir la tête de la gorgone de la besace pour les pétrifier sur place et ne plus les laisser assombrir la conscience…

Alors, il devient possible de croiser intérieurement le regard du Christ, en se sentant digne : son regard est juste et bienveillant. Son regard reflète simplement que l’on est à sa juste place, et que l’on est digne de son engagement et dans ce que l’on a pu apporter aux autres.

© Rosa Lise


Publié le

dans