Paul de Tarse, de la loi à la foi

De Moïse au Christ

Ravissement de saint Paul, 1643, Nicolas Poussin, Sarasota, Floride
Ravissement de saint Paul, 1643, Nicolas Poussin, Sarasota, Floride

« C’est par la loi que je suis mort à la loi, afin de vivre pour Dieu.
J’ai été crucifié avec Christ ; et si je vis,
ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi.
« 
(St Paul, Galates 2,20)

Sommaire

Avant propos

Passer de la Loi à la Foi
Qu’est-ce que la loi ?
A quoi sert la loi ?
L’individu et la loi
Qu’est-ce que la foi ?
Passer de la loi à la foi pour développer sa moralité
Comment créer sa moralité ?

Le modèle vécu et enseigné par le Christ
Le Baptême dans le Jourdain et la venue du Christ sur terre
La Sainte Cène
La Pentecôte
La conversion de Paul sur le chemin de Damas

Le passage de la loi à la foi vécu par Paul
Jeunesse à Tarse et conditionnement familial
Études à Jérusalem et adhésion à la loi de Moïse
De la conversion de Paul à la querelle d’Antioche, avec Pierre concernant la loi
Paul comprend que la loi est une rivale dangereuse pour le Christ

Le passage de la loi à la foi enseigné par Paul
La loi collective liée à l’incarnation
La loi de cause à effet individuelle
Le passage de la loi à la foi vécu par Paul est le fondement de son enseignement
L’intégration de la foi en moralité

Éveiller le sens éthique

Sources bibliographiques

Avant propos

« On peut parfaitement adhérer à la foi sur la seule considération de la sublimité de la vérité chrétienne. »
St Thomas d’Aquin

La Foi est le fondement de la moralité partant des vertus, qui individuellement, devient une éthique.
L’éthique est l’art du bien par excellence, où l’individu est tel un artiste qui agit sur terre la volonté du monde divin à travers les impulsions qu’il a développées lui-même.
Pourquoi l’art du bien ? Parce que le Christ Il l’a Lui-même vécu.

Le Christ a enseigné le passage de la loi à la foi, dont l’aboutissement est Son unique commandement d’amour.

Puis, il a choisi une être humain sur terre, pour qu’il soit précurseur, tant de l’enseignement que du vécu du passage de la loi à la foi. Sa vie entière en représente la mise en pratique.
Cet homme, ce fut Paul de Tarse. Lui qui était gouverné par la loi de Moïse, a vécu ce que l’Église appelle la Conversion (voir la peinture ci-dessus). En fait, Nicolas Poussin a intitulé cette œuvre « le ravissement ». En effet, nous voyons Paul comme en extase, porté par des anges. II s’agit donc d’une expérience spirituelle intérieure. Paul dit lui-même qu’il est monté jusqu’au troisième ciel, donc jusqu’au niveau que les orientaux nomment l’éveil.
Le Christ a donc choisi, à Sa suite, Paul pour faire connaître particulièrement en Europe, mais aussi dans le monde entier que la loi est désormais accomplie, et pour laisser à la postérité, à travers ses écrits, cette expérience humaine unique et d’avant garde de la foi, semée pour l’humanité future.

Passer de la Loi à la Foi

Qu’est-ce que la loi ?

La loi existe depuis toujours, elle existait même avant la Genèse. Car bien avant que l’être humain ne connaisse les lois qui conditionnent sa vie terrestre, existaient les lois spirituelles universelles, qui ordonnancent la sagesse divine : loi de la Providence, loi de la Manifestation, etc.
Après la Chute, l’être humain s’est incarné. Il a été accompagné par le Père, à travers les lois de l’incarnation (travail souffrance, mort) , les lois de Moïse (pour lutter contre les passions), puis la loi de la nécessité (pour réparer ses erreurs), tel un enfant qu’un parent éduque jusqu’à ce qu’il puisse être autonome et se passer de ces lois.
En bref, nous pouvons dire que la loi définit et régit les conditions de vie de l’individu. Ensuite, elle le juge et le sanctionne si celui-ci enfreint la loi. Basée sur le principe de l’égalité, la loi considère que toute infraction se fait au détriment d’autrui (ou du monde) et qu’en conséquence, celui qui l’a causée doit compenser le dommage qu’il a fait subir : c’est la loi de cause à effet ou karma, chez les orientaux). L’être humain peut ainsi se sentir prisonnier de la loi, en ce sens qu’il n’est pas libre d’agir comme il le souhaite.

A quoi sert la loi ?

La loi, c’est une sorte de catalogue (intérieur ou extérieur) de ce qui est autorisé ou interdit, et qui s’impose à soi. Elle sert à révéler le péché (étym. pécher signifie « rater sa cible »), c’est à dire à prendre conscience de nos erreurs, à voir l’écart entre le but que l’on s’était fixé et sa réalisation, afin de nous améliorer. Le sentiment de culpabilité est apparu ensuite, tel un mensonge, transformant l’erreur en faute. C’est pourquoi le Christ a apporté également la dimension du pardon.
Dans le répertoire de ce catalogue, nous trouvons :

  • Les lois intérieures que l’on se crée (ou obligations, interdits) inconsciemment pour fuir ce que l’on a vraiment à faire sur terre, ainsi que les conditionnements, très ancrés dans la volonté (y compris les lois de l’incarnation). Il s’agit de la « morale instinctive » que sont valeurs familiales, la conscience collective. Ce sont les plus difficiles à voir et à transformer.
  • Les lois extérieures de la société, codifiées ou non. Il s’agit de la « morale conditionnée » au sentiment d’appartenance à un groupe, c’est à dire valeurs sociales telles que : savoir-vivre, politesse, conventions, codes, cadres de référence, goût du travail, propriété, etc. Nous sommes au stade sentimental de la morale où les sociétés s’organisent pour harmoniser les individus dans leur vie en commun : par exemple, le code de la route.
  • La « petite voix intérieure » qui marque un premier pas vers la foi, car on écoute davantage son cœur, et l’on agit plus selon ce que l’on ressent. Il s’agit toujours de la « morale conditionnée » , à un sentiment plus individuel.
  • La moralité, qui construit les fondations de foi à partir d’un questionnement intérieur, et particulièrement sur tout ce qui conditionne son existence, afin de faire un vrai choix, entre ce que l’on croyait être bien, ce qui est mal, et ce qui est réellement bien. Le vrai bien est généralement un bien qui ne sert pas qu’à sa petite personne, mais à une cause plus vaste que soi. Nous en arrivons au stade de la pensée et de la conscience de soi. Chacun définit ses valeurs morales propres, chères à son cœur, et qui le dépassent et qui pourront être ensuite réalisées dans le monde. Ces « lois » intérieures reposant sur des valeurs morales faites siennes (« ma vérité »), permettent de développer des qualités en réponse aux lois de l’incarnation car elle conduisent à spiritualiser l’humanité et la terre. Ces qualités peuvent se manifester ainsi : la liberté en soi, l’égalité par rapport aux autres, et la fraternité dans le monde. Nous retrouvons ici la devise et la mission du peuple français.

L’individu et la loi

Dans le comportement humain, le processus de la conscience de soi, se fait par étapes, de la soumission inconsciente aux lois, à la conscience morale, comme si on récapitulait le cheminement de la conscience humaine depuis les origines.
Si chacun observe maintenant où il en est dans chaque domaine de la vie, il peut percevoir qu’il est plus conscient certains domaines, que dans d’autres. Dans certains cas, il est totalement inconscient par ignorance ; dans d’autres, soumis consentant, sans se poser de questions parce que cela l’arrange ainsi ; ailleurs il est rebelle; et puis ici, il agit selon son cœur, et au prix de quelques renoncements, pour le plus grand bien de tous.

L’histoire de l’évolution de la loi, c’est le passage de la loi divine à la loi humaine, dont fait partie la conscience collective de la société. Depuis la venue du Christ, la loi a été accomplie par Lui. Le Christ Lui-même a dit :
« Je ne suis pas venu pour abolir la loi, mais pour l’accomplir » (Matthieu 5,17).
Cela ne veut pas dire bien sûr que l’être humain peut faire tout et n’importe quoi en toute impunité. Non, le Christ a accomplit la loi en incarnant Lui-même sa finalité, c’est à dire en transcendant tant la loi de Moïse : en transformant tant les rituels pratiqués du temps de la loi juive que les lois de l’incarnation (par Sa mort et Sa résurrection). Il a signifié qu’il n’existait plus qu’une seule loi, un seul commandement :
« Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés » (Jean 15,12).
Il nous demande de l’imiter par amour, tout comme Lui s’est sacrifié par amour pour l’humanité, pour la sauver de la Chute dans l’abîme sans fin de la matière.
Désormais la loi du Christ s’appelle la foi, car cette loi ne peut se trouver qu’en soi.
En observant le processus d’évolution de la loi, nous constatons qu’il est temps maintenant pour l’être humain de passer de la loi à la foi, car celui-ci est adulte, il peut vivre sans que son Père (l’État, la société, la justice) ou sa Mère (l’Église) lui disent ce qu’il a à faire, s’il parvient à trouver la foi dans le Fils, en lui-même, dans son cœur.

Qu’est-ce que la foi ?

Si l’on prend l’exemple de Paul, la foi est la conscience claire et vécue de « pas moi, mais Christ en moi » (Galates 2,20). Bien sûr, il ne s’agit pas d’attendre d’avoir vécu l’expérience de Damas pour découvrir la foi. Son expérience est l’archétype de chaque pierre que nous édifions intérieurement.
La foi est une connaissance acquise par le vécu. Ce qui permet ensuite de faire un choix conscient, motivé par des valeurs élevées, et de devenir libre. Si la foi n’est pas vécue dans la tête telle une simple croyance ou connaissance intellectuelle, mais dans le cœur, l’amour ne peut que se répandre pour se donner, car l’être ne peut concevoir de garder la grâce reçue, uniquement pour lui. Il n’a de cesse de la partager, ce qui souvent, motive le passage à l’action.

Passer de la loi à la foi pour développer sa moralité

S’affranchir de la loi pour gagner sa liberté consiste donc à se créer sa moralité dont les vertus seront les fondations sur lesquelles se baseront nos actes.
Le passage de la loi à la foi nous libère peu à peu de notre faiblesses, car il nous met face à des habitudes de comportement qui empêchent notre part christique de se révéler au monde. Cela consiste donc à se déconditionner de notre éducation judéo-chrétienne (culpabilité, lois, conditionnements de la vie en société, conscience collective, etc.) en devenant soi-même dans tous les domaines de la vie, et en se demandant toujours: pourquoi ? en quoi cela est-il utile aux autres ?. Alors, quand je saisis ce à quoi je dois renoncer pour apporter le bien, et que je l’agis, alors seulement, je deviens libre.

La foi est le fondement de l’éthique, car elle libère l’être humain de la loi au niveau de la pensée (croyances, interdits, obligations, conscience collective), pour l’amener à cultiver des vertus, en renonçant aux deux sortes de mal que sont les tentations de récupération pour soi ou le rejet des autres. Les pensées ou vertus universelles sont cultivées en soi avec amour, ainsi l’Esprit passe par la pensée, la tête, pour descendre dans le cœur et y nourrir le Moi ou Je, c’est à dire la part spirituelle et unique de l’individu.
Ensuite, le feu spirituel du cœur purifie et fortifie l’impulsion pensée et accueillie en soi, pour la faire rayonner en soi, tel un soleil qui se donne et qui déborde de soi. C’est alors que l’Esprit, continue de descendre jusque dans les membres, à travers nos actes. Ainsi le bien se manifeste-t-il sur terre. Ce cheminement permet de passer de la loi de la nécessité à la loi de manifestation universelle dans laquelle nous sommes reliés au monde spirituel, responsables de la terre et en accord avec le plan divin et la destinée humaine.
Les individus qui font ce passage de la loi à la foi se reconnaissent et se retrouvent en l’Esprit, car ils rayonnent l’énergie christique faite d’amour et de liberté.

Comment créer sa moralité ?

La vertu est une aptitude à faire le bien. Les vertus théologales (foi, charité, espérance) sont d’ordre divin. Les vertus cardinales (prudence, force, justice et tempérance) sont d’ordre humain. Par ailleurs, des vertus comme la liberté et la responsabilité sont les bases de la moralité. En effet, sans l’aspiration à ces qualités, comment pourrions vouloir assumer nos zones d’ombre nous en libérer ?
Ainsi, cette « voie du milieu » pratiquée par les orientaux, ou « vérité au centre » pour les occidentaux, nous amène à voir et à discerner les deux formes de déviances, qui nous éloignent depuis des lustres de notre but, pour arriver à saisir en soi la troisième voie, et le sens de la dignité humaine qui en émerge.

Exemple de travail sur la liberté, pour créer sa moralité :

1) la déviance par défaut c’est la soumission venant souvent de l’idéalisation.
Dans la soumission, d’autres s’engagent à notre place. Dans l’inconscience collective, sans le savoir, on se renie.
Au plan spirituel, on est dans une sorte de dogmatisme avec des lois, des codes, des règles qui impliquent des devoirs et des obligations.
Au plan politique, à l’extrême, cela peut amener à un forme de dictature ou de communisme.
Au plan économique, cela génère le protectionnisme et l’autarcie.
C’est le « péché » par défaut, pour par omission.

2) la déviance par excès, c’est la licence.
En étant licencieux on est dans l’illusion de la liberté, car celle-ci commence là où s’arrête celle des autres. Cela octroie une fausse liberté.
La peur de ne plus être « libre » empêche de s’engager, car on a surtout peur de perdre cette fausse liberté, égoïste et individualiste : mon bonheur et mon salut avant les autres.
Au plan spirituel, on est dans l’athéisme.
Au plan politique, à l’extrême, cela amène l’anarchie du « sans foi ni loi ».
Au plan économique, cela génère l’ultra-libéralisme.
C’est le « péché » par excès.

3) L’équilibre au centre, c’est la vraie liberté, pensée et individualisée.
Au plan spirituel : cela donne la foi issue de valeurs morales.
Au plan politique, cela amène la démocratie participative.
Au plan économique : cela génère des échanges plus équitables à travers l’économie sociale et solidaire.
C’est la voie sage, l’équilibre au centre.
La fraternité et l’égalité précèdent la vraie liberté. On ne peut pas être vraiment libre si l’on n’est pas fraternel. De même qu’on ne peut être libre si la société ne repose pas sur des lois et des codes qui soient justes pour chacun et pour le « vivre ensemble en société ». Cela nécessite tout d’abord un choix pensé, puis un renoncement de ce que pouvait aimer l’ego…

Le modèle vécu et enseigné par le Christ

« Je ne suis pas venu pour abolir la loi mais pour l’accomplir » (Mat.5 ,17)

Lors de Sa venue sur terre il y a deux mille ans, le Christ a clairement incarné le principe de la nouvelle alliance qui libère l’être humain. Quatre de Ses actes symbolisent particulièrement la mise en pratique de la foi, par la transformation des acquis du passé qui faisaient loi :

Le Baptême dans le Jourdain et la venue du Christ sur terre

Lors du Baptême de Jean dans le Jourdain, Dieu le Fils, devient Christ, en l’homme. S’y ajoute le message de Jean le Baptiste, qui nous exhorte de nous retourner vers le royaume des Cieux qui s’est mis à notre portée. En effet, comme nous le montre le Christ, à travers Lui, le ciel est descendu jusqu’à l’homme Jésus. Dans la loi, Dieu était extérieur, désormais, il est intérieur.

La Sainte Cène

Le Christ transforme le rituel juif issu de la loi en rituel chrétien, issu de la foi. Il est venu pour mettre un terme à l’ancienne alliance, issue de la loi de Moïse, afin d’apporter une nouvelle impulsion à l’humanité, qui puisse la diriger sur le chemin l’Esprit-Saint. Lors de Son court passage sur terre, nombre de Ses actes ont marqué le passage de l’Ancien au Nouveau Testament, avec plus particulièrement la Cène, au cours de laquelle, Il transforme le rituel de la Pâque des Juifs, basé sur les sacrifices d’animaux. Dès lors, il n’est plus nécessaire de sacrifier des animaux, pour manifester le bien. C’est à l’être humain désormais se sacrifier quelque chose d’égoïste que l’on peut nommer également, « part instinctive » ou « part animale » qui regroupe ses désirs, passions, envies, bref, tout ce qui le détourne de son but spirituel. Faire cela en mémoire de Lui, nous amène à mourir à notre égoïsme pour renaître en Esprit.

La Pentecôte

La Pentecôte des juifs commémorait la remise des tables de la loi à Moïse (décalogue), devenue la loi des docteurs pharisiens. Lors de La Pentecôte, le Christ inaugure le Baptême par le feu de l’Esprit, à la place de la remise des tables de la loi à Moïse. Lors de la Pentecôte, nous retrouvons le passage de l’Ancien au Nouveau Testament (comme pour la Cène) : la nouvelle alliance entre Dieu et les hommes.
C’est la dernière scène où le Christ intervient auprès des disciples, avant de leur envoyer le feu de l’Esprit, et les dons qui leur permettront de remplir leur mission d’évangélisation. Il s’agit vraiment d’une scène archétype du passage de la loi à la foi .
La Pentecôte du Christ est fêtée en groupe. C’est la fête de l’engagement libre : à partir de ce moment, les apôtres vont se séparer pour évangéliser le monde, c’est à dire annoncer la bonne nouvelle, sens du mot « évangile ». C’est l’apostolat, par le témoignage du Christ ressuscité.
Depuis la Pentecôte, le passage intérieur de la loi à la foi permet de créer les communautés spirituelles, dont les membres, unis par leur libre volonté, et liés en Esprit (l’esprit de sacrifice) sont fraternels, car ils renoncent librement à leur intérêt personnel, pour un but commun bien plus vaste.

La conversion de Paul sur le chemin de Damas

C’est la dernière manifestation significative du Christ, relatée dans le Nouveau Testament. Le Christ, pour bien marquer ce dernier événement, choisit de faire expérimenter le passage de la loi à la foi par un être humain qui saura en témoigner et en répandre le message.

La conversion de Paul, Maino, Catalogne

Paul, fidèle serviteur de la loi, après avoir reçu la lumière du Christ en lui sur le chemin de Damas, fut bouleversé par Son amour débordant et par la révélation qu’Il était bien le Messie mort et ressuscité, tant attendu. Fort de cette vérité sur laquelle il construisit sa foi, il intégra le seul commandement d’amour laissé par le Christ, puis devint l’un de ses plus fervents serviteurs. Sa puissance de rayonnement, ajoutée à ses qualités individuelles lui permirent d’universaliser l’enseignement du Christ, en créant de nombreuses communautés en Europe, chez les non-juifs du monde gréco-romain qu’étaient les gentils, les païens. Il sema ainsi la voie de la liberté, appelée à fleurir à notre époque pour permettre à l’être humain de vivre ce passage de la loi à la foi qui le libèrera, et lui permettra ensuite de vivre à son tour l’expérience de Damas. En ce sens, Paul, souvent considéré comme « l’enfant terrible du christianisme. »1 fut en réalité, l’apôtre de la liberté.

C’est ainsi que le Christ a ainsi laissé Son message et Son empreinte sur terre, fondamentale pour la destinée humaine. Ses actes ont en quelque sorte solarisé, transcendé, réactualisé la loi lunaire de Moïse : Il a dit lui même qu’il était venu non pour abolir la loi mais pour l’accomplir, c’est à dire la parachever, pour passer à autre chose, grâce aux leçons tirées du passé.
Il ne reste plus qu’un commandement :
« aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jean 15,2).
Il ne reste plus que la loi du cœur, qui devient foi, c’est à dire la conscience de
« pas moi, mais Christ en moi » (Galates 2,20)
L’événement majeur de Son passage est Sa passion, Sa mort puis Sa résurrection : Il a récapitulé et incarné tout le processus de l’évolution humaine (« je suis l’alpha et l’oméga », le début et la fin). Il en apporté la trace sur la terre, telle une semence qui, dans son aboutissement libère l’être humain des lois de l’incarnation. C’est la plus grande espérance qui soit. S’il fait ce choix, l’être humain peut devenir ce qu’il est en essence : un être pleinement divin, à l’image de Dieu.

La passage de la loi à la foi vécu par Paul

Seul l’homme est libre dans la mesure où il est capable, à chaque instant de sa vie, de n’obéir qu’à lui-même.
Une action morale n’est véritablement mon action que si elle peut être nommée libre dans le sens ici décrit.(…)
L’acte libre n’exclut pas les lois morales, au contraire, il les inclut.

Rudolf Steiner (Philosophie de la liberté)

Jeunesse à Tarse et conditionnement familial

Jusqu’à l’âge de quinze ans environ, durant sa jeunesse à Tarse, Paul est inconscient, donc esclave de la loi, comme tout être humain qui vient à la vie. Paul appartenait à la fois à la communauté juive et à la cité païenne. Son attitude face à la loi fut certainement ambiguë, car certaines prescriptions de la loi (la Torah), telle que l’alimentation, rendait difficile, sinon impossible le commerce avec les Gentils. Par ailleurs, il a probablement reçu l’influence des stoïciens par l’intermédiaire de ses parents. Pour les stoïciens, la « sagesse » consistait à connaître les lois qui gouvernent l’univers et à pratiquer une morale fondée sur l’effort. Très tôt déjà, sans le savoir, Paul de se préparait à son but de vie.

Études à Jérusalem et adhésion à la loi de Moïse

A partir de l’âge de 15 ans jusqu’à 33 ans, soit une tranche de vie de 18 ans, Paul a séjourné à Jérusalem, rejoignant l’ordre des pharisiens, et recevant l’enseignement de Gamaliel. Paul y étude la loi de Moïse, la vénère et la sert, en attendant la venue d’un messie majestueux. Il acquiert une connaissance scrupuleuse des commandements de la Torah, alors que son engagement face à la loi devient plus profond et plus personnel :
« Au sein de mon peuple, je faisais des progrès bien au-delà de mon âge, tellement j’étais plein d’ardeur pour les traditions de mes pères. » (Ga 1,14) .

De la conversion de Paul à la querelle d’Antioche, avec Pierre concernant la loi

C’est à l’âge de 33 ans que Paul vit sa Conversion à Damas :
« Poursuivant sa route, il approchait de Damas quand, soudain, une lumière venue du ciel l’enveloppa de son éclat. Tombant à terre, il entendit une voix qui lui disait : « Saoul, Saoul, pourquoi me persécuter ? – qui es-tu Seigneur ? demanda-t-il. Je suis Jésus, c’est moi que tu persécutes. Mais relève-toi, entre dans la ville, et on te dira ce que tu dois faire ». Ses compagnons de voyage s’étaient arrêtés, muets de stupeur: ils entendaient la voix, mais ne voyaient personne. Saul se releva de terre, mais bien qu’il eût les yeux ouverts, il n’y voyait plus rien et c’est en le conduisant par la main que ses compagnons le firent entre dans Damas où il demeura privé de la vue pendant trois jours, sans rien manger ni boire. » (Actes. 9, 1-9)

La conversion marque le début du nouvel engagement de Paul. Paul part trois ans en Arabie, là où Moïse avait reçu les Tables de la loi, pour recevoir l’enseignement du Christ.
Après cela, il revient pour témoigner, à Damas d’où il est chassé. Ensuite il rencontre les apôtres à Jérusalem, puis il retourne à Tarse. Barnabé vient le chercher pour l’accompagner dans sa mission. Durant cette période, Paul « compose » avec la loi juive, encore très présente, tant dans les rites que dans le culte, trouvant toujours un compromis pour concilier les usages au sein des communautés entre juifs et non juifs.
La force de Paul, c’est aussi sa capacité de discernement et de souplesse pour s’adresser aux brebis égarées, il s’adapte à toutes les situations :
« Je me suis fait juif avec les juifs, afin de gagner les juifs. (…) Je me suis fait sans-loi afin de gagner les sans-loi« 
(1 Co 9, 20-21).
En compagnie des Juifs, il observait par exemple les prescriptions alimentaires, mais parmi les Gentils, il mangeait librement comme les Gentils. En acceptant cette liberté, Paul facilita les contacts avec les païens qu’il voulait se rallier au Christ. Désormais, la loi avait perdu pour Paul son importance en terme de salut. Selon Paul, les coutumes juives étaient purement ethniques n’avaient pas lieu d’être appliquées par les non-juifs.
Les chrétiens devaient aimer leur prochain, la norme étant le sacrifice que le Christ avait fait de sa personne (2 Co 5,15). Cette tolérance pris fin lors de l’incident d’Antioche, particulièrement à propos de la circoncision.

Paul comprend que la loi est une rivale dangereuse pour le Christ

A l’âge de quarante-huit ans, Paul marque sa rupture avec Antioche, suite à sa querelle avec Pierre : il soutient que qu’utiliser de la loi pour tous est une aberration. Par exemple, en imposant la circoncision aux gréco-romains ou aux païens. La loi concerne les Juifs et non les chrétiens. Pour préserver l’unité, les païens devaient-ils devenir Juifs? Paul a compris que la loi finissait par nuire au Christ, et cela, il ne pouvait l’accepter, c’était insupportable pour lui de trahir le Christ de quelque manière que ce soit. Il en vient donc à admettre que si l’on accordait le moindre droit de cité à la loi, il en résulterait inévitablement un formalisme qui, de façon inexorable, écarterait le Christ de plus en plus de la vie des croyants. C’est dans ce contexte que Paul renonce à la loi.

Cet événement à Antioche a permis à Paul de remettre en question l’utilité de la loi de Moïse suite à la mort et à la résurrection du Christ. Dans le concret de la vie juive, cette loi n’était « la loi de Dieu » que par son nom (Rm 7,22). En réalité, elle était la « loi du péché » (Rm 7, 23 et 25), car un faux système de valeurs sociales s’était emparé de la loi et la contrôlait.
L’antithèse de « la loi du péché » est « la loi du Christ » (Ga 6,2), la Loi telle qu’elle a été prise en main par le Christ.
« La totalité de la loi s’accomplit en un seul mot : aime ton prochain comme toi-même » (Ga 5,14).
Il en ressort que « le Christ est la fin de la loi » (Rm 10,4).

L’opposition de Paul à la loi allait beaucoup plus loin que simplement la déclarer hors propos pour les chrétiens. A ses yeux, aucun précepte d’obligation, quel qu’il soit, n’avait sa place dans la communauté chrétienne. Paul se sentait même libre de faire exactement l’opposé de ce que demandait Jésus, révélant par là que les croyants ne devaient pas prendre au pied de la lettre ce qui avait l’apparence d’un commandement.
Même dans ses préceptes, Paul fait toujours appel au choix libre de son interlocuteur.
A Philémon :
« Bien que j’aie la plein autorité en Jésus-Christ de te commander ce qui est propre, par amour, je te supplie plutôt…« ,
 » Je préfèrerais ne rien faire sans votre commandement, si bien que votre action ne repose pas sur la contrainte mais sur votre propre volonté libre » (Co 9 7),
« Je ne le dis pas comme un ordre » (1 Co 7,6 ; 2 Co 8,8)
Sa technique consiste à expliquer à ses convertis ce qu’il ferait dans une situation donnée et puis à les laisser trouver eux-mêmes une réponse sous la direction du Saint-Esprit. Nous trouvons en Paul l’expression d’un guide authentique et pédagogue, qui laisse les disciples décider par eux-mêmes ce qui est juste pour eux, afin de les respecter dans la conquête de leur liberté.

Nous percevons ici les prémices de la moralité, incarnée et exprimée par Paul :
« C’est pourquoi je m’efforce de garder une conscience irréprochable devant Dieu et devant les hommes » (Ac. 24 / 16)

NB : dans cette partie, de nombreux passages ont été repris parmi les sources suivantes : le Monde la Bible 2 Saint Paul 3, Saint Paul et le Mystère du Christ 4

Le passage de la loi à la foi enseigné par Paul

« Christ est ma vie » (Phil. 1 /21)

Suite à sa conversion sur le chemin de Damas, Paul a vécu et a enseigné le passage de la loi à la foi. Il a prolongé son « éthique » en imitant le Christ.
Paul figurait certainement, avec son disciple Luc, parmi les apôtres les plus proches de ce que le Christ a voulu enseigner. C’est pourquoi le Christ l’a choisi et chargé de mission dans ce sens, comme pour faire un contre poids à la loi encore trop présente au sein du christianisme naissant. Car Paul est l’apôtre qui incarna parfaitement ce passage de la loi de Moïse à la foi en Christ : juif fervent et zélé à l’origine, et il est devenu le fondateur du christianisme universel par le témoignage de sa vision du Christ ressuscité et de sa conversion au Christ. Il est passé de l’obéissance au service. L’expérience intérieure de Paul a scellé à jamais sa foi dans le Christ. Après son expérience intérieure de rencontre avec le Christ (en janvier 35), c’est à Antioche, quatorze ans après, suite à sa querelle avec Pierre à propos des rites de la loi juive, qu’il commence à incarner véritablement son expérience intérieure, quand qu’il prend conscience que la loi est révolue, et qu’elle va même à l’encontre du Christ.

Le Christ a appelé Paul à son service pour que lui, fidèle serviteur de la loi, incarne et devienne un fidèle serviteur de la foi et de la liberté intérieure, et qu’il répande le christianisme universellement. Sa foi est totale, car il n’a pas connu le Christ vivant physiquement. Pourtant, bien qu’absent du cénacle le Jeudi Saint, Paul a reçu directement du Christ l’enseignement de la Cène : « Moi, voici ce que j’ai reçu du Seigneur, et ce que je vous ai transmis. » (I Cor. 11/23), afin d’instituer le culte au sein des communautés. Nous pouvons même dire que le Christ a confié le rituel de l’Eucharistie à Paul, que ce dernier a enseigné, manifesté et propagé dans le monde.

Le Christ a choisi Paul également pour répandre son enseignement et son témoignage de la résurrection par ce qu’il maîtrisait l’art de la rhétorique, et qu’il savait ainsi convaincre les foules. De plus, il avait toutes les aptitudes pour sa mission particulière qui était de s’adresser aux nations, c’est à dire aux non juifs: car il avait une culture triple : juive, romaine et grecque avec en prime, le sens du plus grand dévouement à sa cause, alors que nous avons connu Paul juif zélé, voire fanatique, avant sa conversion. L’amour qu’il a reçu du Christ l’a ramené à la modération…

C’est à Antioche (le centre spirituel des disciples d’origine païenne) vers l’an 37, lors du voyage de Barnabé avec Paul, que les communautés du Christ ont trouvé le nom correspondant à leur identité : les membres des communautés ont été appelés les « chrétiens ».
En accord avec les autres apôtres, Paul parvient à redéfinir pour les communautés chrétiennes les nouvelles règles de fonctionnement de l’Église. Ainsi, les chrétiens ne pratiquent plus la circoncision. La reconnaissance du lien avec Dieu, qui jusqu’alors était réservée aux hommes, se fait depuis par le baptême, à accessible à tous les êtres humains, quelle que soit leur origine, leur race, leur sexe, leur religion, leur condition : hommes, femmes, juifs, païens, esséniens, stoïciens, esclaves, etc. En ce sens, Paul a semé le germe du christianisme universel. En effet, l’universalisme fut possible aussi parce que Paul a osé supprimer le précepte juif fondamental de la circoncision, pour les Gentils (les païens), quand il a pris conscience que la loi devenait ennemie du Christ. Sans cela, le christianisme n’aurait jamais pu se répandre. Depuis Paul le signe de reconnaissance n’est plus marqué dans la chair, il l’est en Esprit…

Paul, en s’adressant à tous les peuples, à commencer par l’Europe, a répandu le christianisme jusqu’aux confins de la terre. Nous pouvons dire que Paul a été le continuateur du Christ, au moyen des communautés, et corps du Christ, agissant au nom de l’Esprit. Paul a su prolonger l’expérience du Christ sur terre, en fondant un christianisme universel et durable, de sorte que dans le futur, l’humanité ait toute les chances de saisir l’Impulsion du Christ et par là-même, de devenir libre.
En conclusion, nous pouvons considérer que Paul est Le précurseur, le modèle à imiter du passage de la loi à la foi, et de sa mise en pratique, tant dans son vécu que dans son enseignement.

Dans l’enseignement de Paul, la moralité est visible à travers le passage de la loi à la foi, qu’il explique en détail notamment dans ses lettres aux Romains et aux Galates, après l’avoir lui-même vécu, compris et intégré jusque dans ses actes.

La loi collective liée à l’incarnation

Paul explique les conditions de l’incarnation, subies en tant que loi commune aux humains, depuis la Chute :
« Mort, où est ta victoire ? Mort, où est ton aiguillon ? L’aiguillon de la mort, c’est le péché, et la puissance du péché, c’est la loi. » (Corinthiens, 15, 56)

La loi de cause à effet individuelle

Paul évoque la responsabilité individuelle issue du choix entre le bien et le mal, et la loi de cause à effet (le karma, chez les orientaux). Si nous agissons sans écouter notre cœur, nous restons sous le coup de la loi :
« Par ton endurcissement, par ton cœur impénitent (ou inconverti), tu amasses contre toi un trésor de colère pour le jour de la colère où se révélera le juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses œuvres. » (Rom. 2 /5-6 )

Le passage de la loi à la foi vécu par Paul est le fondement de son enseignement

  • L’utilité de la loi :
    « La loi a été comme un pédagogue pour nous conduire au Christ. » (Gal. 3/24)
    « Avant la venue de la foi, nous étions gardés en captivité sous la loi, en vue de la foi qui devait être révélée. Ainsi donc, la loi a été notre surveillant, en attendant le Christ, afin que nous soyons justifiés par la foi. Mais après la venue de la foi, nous ne sommes plus soumis à ce surveillant. Car tous, vous êtes, par la foi, fils de Dieu, en Jésus Christ. » (Galates, 3, 23 – 26)
  • Paul exprime les effets de son expérience vécue à Damas :
    « C’est par la loi que je suis mort à la loi, afin de vivre pour Dieu. J’ai été crucifié avec Christ ; et si je vis, ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi » (Galates 2/20)
  • Il explique ensuite comment se vit le passage de la loi à la foi :
    « Or, le régime de la loi ne procède pas de la foi; pour elle, celui qui accomplira les prescriptions de cette loi en vivra. Christ a payé pour nous libérer de la malédiction de la loi, en devenant lui-même malédiction pour nous, puisqu’il est écrit : Maudit quiconque est pendu au bois. Cela pour que la bénédiction d’Abraham parvienne aux païens en Jésus Christ et qu’ainsi, nous recevions, par la foi, l’Esprit, objet de la promesse. » (Galates, 3, 12 – 14)

L’intégration de la foi en moralité

A propos du développement de la moralité, qui passe par le choix du bien, Paul explique ce qu’est la chair, c’est à dire l’égoïsme et toutes ses conséquences :
« On les connaît les œuvres de la chair : libertinage, impureté, débauche, idolâtrie, magie, haines, discorde, jalousie, emportements, rivalités, dissensions, factions, envie, beuveries, ripailles et autres choses semblables; leurs auteurs, je vous en préviens, comme je l’ai déjà dit, n’hériteront pas du royaume de Dieu. » (Galates, 5, 19 -21).
Pour Paul, péché est synonyme de manque de liberté, de servitude, d’esclavage ; et la rédemption signifie la rupture des chaînes, des entraves, la libération du joug de l’esclavage.
Paul appuie son enseignement sur l’expérience du Christ, qui a accompli la loi, en laissant un seul commandement : la loi du Christ, c’est la loi de l’amour sacré, qui élève et qui libère :
« Car si vous vivez de façon charnelle, vous mourrez ; mais si, par l’Esprit, vous faites mourir votre comportement charnel, vous vivrez. » (Rom. 8 /13 ).
« Vous, frères, c’est à la liberté que vous avez été appelés. Seulement, que cette liberté ne donne aucune prise à la chair ! Mais, par l’amour, mettez-vous au service les uns des autres. Car la loi tout entière trouve son accomplissement en cette unique parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » (Galates, 5, 13 – 14)
Se plaçant au niveau humain, Paul est bien conscient que manifester le commandement du Christ est un cheminement, car il confronte l’être humain à ce qu’il doit dépasser. Emil Bock cite Paul, entonnant l’hymne douloureux, véritable Cantique des cantiques de l’homme conscient du péché originel :
« Selon l’homme intérieur, je prends plaisir à la loi de Dieu ; mais dans mes membres, je vois une autre loi qui lutte contre la loi de mon entendement. Elle me rend esclave de la loi du péché, qui agit dans mes membres. « (Rom. 7/ 22-23)
Paul exprime ici la souffrance intérieure de la dualité. L’individu devient conscient du mal qu’il porte en lui, et du travail qu’il aura à faire pour le transcender, tout au long des étapes de la transformation qui suivront.
La perfection n’étant pas de ce monde, c’est la responsabilité de l’être humain de s’améliorer pour améliorer le monde par des actes de plus en plus purs. C’est tout le travail de vie intérieure à effectuer, pour grandir dans cette nouvelle moralité faite d’amour et de liberté, et cueillir les fruits de l’Esprit :
« Mais voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi; contre de telles choses, il n’y a pas de loi. » (Galates, 5,22 – 23)

Éveiller le sens éthique

« L’individualité humaine est la source de toute moralité
et constitue le point central de toute vie sur terre ».

Rudolf Steiner

Albert Schweitzer a dit de Paul qu’il était le patron de la pensée au sein du christianisme. Emil Bock voit en Paul le héraut de la résurrection de la conscience. Il affirme que l’embryon du christianisme paulinien, existe et qu’il s’appuie sur l’éveil de la conscience et de la pensée.
Les Épîtres de Paul font de Paul non seulement le messager de la mort-résurrection du Christ, en tant qu’espérance pour l’humanité, mais aussi celui qui annonce de nombreuses fois la retour du Christ en Esprit, seulement si l’être humain choisi : à la place de la mort : la vie ; à la place de la loi : la foi, en créant sa moralité ,en luttant contre le mal visible mais aussi contre le mal qui a l’apparence du bien, et en ne se satisfaisant pas des lois extérieures.

Que sont devenus les germes semés par Paul depuis près de deux mille ans ?
Selon Emil Bock, en parallèle de l’Église officielle, la branche pagano-christique de Paul a été prolongée par plusieurs courants spirituels issus des nouveaux mystères christiques (le christianisme ésotérique). Ceux-ci ont protégé et transmis secrètement l’enseignement authentique du Christ transmis par Paul, surtout après les premiers siècles, quand les théologiens de l’Église cachèrent les aspects fondamentaux de l’enseignement christique qui pouvait libérer l’être humain. (…)
C’est ainsi que la branche judéo-chrétienne de Pierre et de Jacques, le frère de Jésus, fut conservée par l’Église. Malgré cela, les écrits de Paul figurent dans le Nouveau Testament, bien que le sens réel de son enseignement ait été masqué, notamment depuis que la Bible a été traduite en latin. L’enseignement de Paul a alors perdu de son âme. D’ailleurs, Charlemagne, avait en son temps demandé à l’évêque d’Orléans, Théodulfe, de rédiger une version « plus lisible » de la Bible. 5
L’Église, particulièrement chez les protestants, a traduit et interprété le message de Paul au sujet de la loi dans le sens de la menace du Jugement dernier. Le Nouveau Testament est resté donc resté sous le coup de la loi juive, du passé avec la faute, les interdits, la culpabilité, etc. Pourtant, le Christ avait choisi Paul justement pour passer de la loi à la foi, à la liberté en Christ. Puisque Paul a lui-même incarné ce retournement dans sa vie. Il voulait que le christianisme soit accessible à tous.
Le plus grave, c’est que les différentes traductions ont dénaturé l’enseignement de Paul en séparant la foi de la connaissance, ce qui a plutôt laissé l’Église dans le dogmatisme, donc dans la loi. Cela a pour effet de renier en quelque sorte l’apport des forces de vie salvatrices du Christ. Ce que Paul appelait foi, par la vie de la pensée, les théologiens l’ont nommée morale, dans le mauvais sens du terme (obligations, interdits, etc.). C’est pourquoi, comme le remarque Emil Bock, la religion demande une foi aveugle aux données de la Révélation : l’inverse de ce que Paul et le Christ ont enseigné.

Au fil du temps, ceux qui ont voulu réhabiliter la pensée originelle de Paul et préserver le rituel secret de la Sainte Cène ont été assimilés à des hérétiques et persécutés de tous temps (les Manichéens, les Cathares, les Templiers, etc.). De même que, de nos jours, tout ce qui n’est pas issu d’une religion est considéré comme secte dangereuse, et persécuté comme telle, sans discernement, en pratiquant l’amalgame au milieu de tout un fatras de pseudo voies, dans laquelle la vérité du Christ authentique est noyée, ou détournée, ce qui empêche la révélation du Christ présent en Esprit.

A la fin du 18ème siècle, le poète allemand Novalis a vécu à son tour l’expérience de Damas. Il a témoigné de sa rencontre avec le Christ, dans ses merveilleux écrits, notamment :
« Je dis à tous qu’Il est vivant, qu’Il est ressuscité, que son esprit nous environne et qu’Il est présent parmi nous. (…) Il vit. Il se tient près de nous à l’heure où tout nous abandonne. Fêtons ce jour où, avec Lui, l’univers entier ressuscite. »

A notre époque, la loi, c’est la soumission aux conditions de l’incarnation, auxquels nous répondons par la volonté, là où la conscience est moindre, plus difficile à maîtriser, au moyen d’actes inconscients répondant aux besoins primaires du corps (liés à l’incarnation) et des sens. Par nature, l’acte inconscient est un mal, car le non-choix est par essence, le choix du mal. C’est ainsi que cherchons un bonheur extérieur, illusoire, notamment à travers les achats de biens et de services à consommer. C’est là où l’emprise du mal est la plus forte, car l’inconscience collective, qui fait loi, dit que tout le monde agit ainsi que donc, c’est normal et juste : ancienne loi…

La loi du Christ demande de la conscience accompagnée d’amour et de respect pour autrui. L’acte conscient résulte donc d’un choix pensé. Choisir c’est renoncer. Seule la force de l’impulsion initiale et l’amour du but permettra de trouver la force de renoncer. Alors l’acte sera plus pur volonté, au service du bien. Par ces actes, nous touchons le cœur des autres, qui un jour, s’éveillent à leur tour.
Ce faisant, nous aidons aussi notre planète, qui en a grandement besoin à notre époque, ainsi que l’humanité. Nous participons à créer notre futur, c’est à dire la destinée, voulue par le plan divin. Nous contribuons à l’accomplissement de la loi par la manifestation concrète de la foi en Christ, par l’avènement de l’amour et de la liberté sur terre.

La moralité mise en pratique aboutit à l’éveil de la conscience morale envers les personnes que nous côtoyons, ce qui nous amène peu à peu à mieux respecter autrui, c’est à dire sa dignité, en tant que porteur du Christ en lui, ou christophore. Paul fut d’ailleurs, à ce titre le premier christophore. Pour éveiller le sens moral dans l’humanité, nous n’avons pas besoin de partir dans de grandes missions, comme Paul l’a fait. La grande mission est avant tout intérieure, ce qui n’empêche pas de l’offrir aux autres.

Manifester le bien, c’est contribuer à révéler le Christ en soi et dans le monde, de manière concrète, jusqu’à pouvoir vivre un jour l’expérience de Damas, étape incontournable à notre époque, pour la destinée humaine. Or, on ne peut pas rencontrer le Christ tant qu’on vit dans la loi du Père, car on attire à soi l’énergie que l’on porte en soi… Pour accéder au Christ en soi, il est donc nécessaire de vivre d’abord selon sa foi…

« Les sociétés possèdent une habileté démoniaque pour donner à l’individu l’impression qu’il est libre, alors qu’elles l’ont arraché à son sort« .
(Michel Bassand)

On ne peut pas rencontrer le Christ tant qu’on vit dans la loi du Père, car on attire alors à soi l’énergie du Père et l’on reste dans la coupure avec le monde spirituel. Attirer le Christ en soi nécessite de porter l’énergie de la réconciliation avec soi-même, un début de dignité humaine, qui est de nature christique. Cela demande donc de vivre selon sa foi, ses propres « lois » intérieures qui bénéficient à son prochain, donc à l’humanité.
La plus grande espérance de l’humanité repose sur l’existence de l’essence christique, accessible à chacun d’entre nous.
C’est aussi l’un des messages de Paul. Quelle que soit la race, la religion de l’individu, si celui-ci choisit de passer de la loi à la foi, c’est à dire de ne plus se fier aux lois extérieures ou à ses propres obligations ou croyances, mais à ce que lui dicte profondément son cœur, il ne cèdera plus à ses peurs, à ses démons, et il parviendra à toucher sa dimension divine intérieure, qui le mène sur le chemin du salut, c’est à dire, à la liberté. C’est ainsi que transcendons peu à peu notre personnalité qui vivait selon le passé en libérant l’Esprit en nous.

Seul l’être humain peut faire le pont pour révéler et répandre sa nature christique sur terre, en amenant le bien le plus pur possible, par la conscience de soi et plus de moralité jusque dans les actes. C’est sa mission et sa responsabilité.

La conscience, c’est la lumière du Christ qui émerge de soi.

Le concept « d’être humain » n’aura pas été pensé jusqu’au bout, tant qu’on n’aura pas découvert
que l’esprit libre est la suprême expression de la nature humaine.
Nous ne sommes véritablement hommes que dans la mesure où nous sommes libres.
Rudolf Steiner6

© Rosa Lise

Sources bibliographiques

(1) La Bible – Nouveau Testament – Eds. Livre de Poche


(2) Le monde de la Bible n°123 – novembre-décembre 1999

(3) Saint Paul – Le devenir du christianisme – Emil Bock – Eds. Iona


(4) St Paul et le mystère du Christ – Claude Tresmontant – Eds. Seuil

(5) Le Monde daté du 4.09.01″Les cathédrales, symbole d’un art total » par Emmanuel de Roux


(6) La Philosophie de la Liberté – Rudolf Steiner – Eds. EAR


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