Une communauté d’esprit et de cœur

Une nation est une âme, un principe spirituel.
Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cet âme, ce principe spirituel.
L’une est dans le passé, l’autre dans le présent.
L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre et le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis.
La nation, comme l’individu, est l’aboutissement d’un long passé d’efforts, de sacrifices, de dévouements.
Le culte des ancêtres est de tous le plus légitime : les ancêtres nous ont faits ce que nous sommes.
Avoir des gloires communes dans le passé, une volonté commune dans le présent : avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà la condition pour être un peuple.

L’homme n’est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction des chaînes de montagnes.
Une grande agrégation d’hommes, saine d’esprit et chaude de cœur, crée une conscience morale qui s’appelle une nation.
Tandis que cette conscience morale prouve sa force par les sacrifices qu’exige l’abdication de l’individu au profit d’une communauté, elle est légitime, elle a le droit d’exister.

Ernest Renan (1823 – 1892).
Extrait de la conférence : « Qu’est-ce qu’une nation ? » prononcée en Sorbonne le 11 mars 1882


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