Articles Written By: Rosa Lise

La vérité sortant du puits

La légende raconte qu’un jour la vérité et le Mensonge se sont croisés.

– Bonjour, a dit le Mensonge.
– Bonjour, a dit la Vérité.
– Belle journée, a continué le Mensonge. Alors la Vérité est allée voir si c’était vrai. Ça l’était.

– Belle journée, a alors répondu la vérité.
– Le lac est encore plus beau, a dit le mensonge avec un joli sourire.
Alors la Vérité a regardé vers le lac et a vu que le mensonge disait la vérité et a hoché la tête.

Le Mensonge a couru vers l’eau et a lancé …
– L’eau est encore plus belle et tiède. Allons nager !
La vérité a touché l’eau avec ses doigts et elle était vraiment belle et tiède.

Alors la Vérité a fait confiance au mensonge. Les deux ont enlevé leurs vêtements et ont nagé tranquillement.

Un peu plus tard, le mensonge est sorti, il s’est habillé avec les vêtements de la vérité et il est parti.

La vérité, incapable de porter les habits du mensonge a commencé à marcher sans vêtements et tout le monde s’est éloigné en la voyant nue.

Attristée, abandonnée, la Vérité se réfugia au fond d’un puits. C’est ainsi que depuis lors les gens préfèrent accepter le Mensonge déguisé en vérité que la Vérité nue.

Tableau de Jean-Léon Gérome : « la vérité sortant du puits »

Seul un amour qui y a laissé sa vie peut nous révéler la vérité de l’amour

Que peut-on donner à celui qui nous offre son amour gratuit et désintéressé ? (…). Les déclarations d’amour sont toujours un peu pressées et pressantes : on a l’impression qu’elles servent avant tout à rassurer. Non, à l’amour offert, la réponse consiste à donner ce que l’on peut : la confiance. D’abord la foi, viendra ensuite l’amour. Or, le plus souvent nous commençons par donner ce que nous croyons avoir : l’amour ; alors que l’amour qui nous est offert n’exige rien de nous, pas même l’amour en retour mais juste ce que nous pouvons donner : un peu de confiance. Dans une relation, nous voulons mettre beaucoup d’amour mais c’est bien souvent pour en épuiser les réserves.

Alors que l’amour ne demande rien : il s’offre à la confiance. Il dit : fais-moi confiance, cela suffit pour commencer.

Au fur et à mesure que la confiance grandit, l’amour peut demander : me chéris-tu ? (…)

La vérité de l’amour est dans la passivité. L’amour vrai est accueil d’un amour offert, il n’a rien d’autre à faire.

Alors aimer consiste à y laisser sa vie. A ne pas la garder pour soi. Aimer, c’est se déprendre de soi grâce à l’amour qui est offert par l’autre et qui ne demande rien d’autre que l’abandon de la préoccupation de soi.

Nous nous demandions quel peut être le sens de la Résurrection ? Il nous faut maintenant répondre : La Résurrection est la révélation de ce que nous ignorerions sans elle : la vérité de l’amour. Seul un amour qui y a laissé sa vie peut nous révéler la vérité de l’amour.

Sans cette révélation, nous continuerions à penser que l’amour est une capacité que l’on possède et que l’on active quand on veut, si cela nous plaît, si l’autre nous plaît ou nous intéresse. Du coup, en prétendant aimer l’autre, on ne fait que s’aimer soi-même… Et on voudrait que l’autre m’aime de me voir m’aimer moi-même… Triste amour qui n’en a que le nom mais non la réalité.

Mais la Résurrection, me direz-vous ? Elle dit qu’un amour véritable est possible quand il accepte de passer par l’abandon de toute prétention à pouvoir aimer. L’amour vrai donne ce qu’il n’a pas : juste un peu de confiance qui lui vient de l’autre.

C’est la raison pour laquelle le sens de la Résurrection n’apparaît que pour celui qui croit. En dehors de la foi, la Résurrection reste un mystère obscur qui n’engage pas vraiment un rapport nouveau à la vie.

En revanche, celui qui croit se jette à l’eau et ce qu’il reçoit de la vie dépasse ce qu’il pouvait en attendre !

Père Dominique Collin, dominicain
3e dimanche de Pâques, le 5 mai 2019

 

Ce qui déborde du coeur

L’homme bon tire le bien du trésor de son coeur qui est bon ; et l’homme mauvais tire le mal de son coeur qui est mauvais : car ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du coeur.

Luc, 6-45

Heureux commencement du monde nouveau

« Vous êtes ressuscités avec le Christ ; recherchez donc les réalités d’en-haut » (Col 3,1)

Le Christ est ressuscité d’entre les morts : levez-vous, vous aussi… Jour de résurrection, heureux commencement du monde nouveau ! Célébrons dans la joie cette fête : donnons-nous le baiser de paix ! Hier, on immolait l’agneau…, l’Égypte pleurait ses premiers-nés…, mais un sang précieux nous protégeait ; aujourd’hui, nous avons définitivement fui l’Égypte et le Pharaon, ce tyran cruel… Nous avons été délivrés de notre servitude, et personne ne peut nous empêcher de célébrer, en l’honneur de notre Dieu, la fête de notre Exode, et de célébrer notre Pâque « non pas avec du vieux levain…, mais avec des pains sans levain : la droiture et la vérité »…

Hier, j’étais crucifié avec le Christ ; aujourd’hui, je suis glorifié avec lui. Hier, j’étais mort avec lui ; aujourd’hui, je revis avec lui. Hier, j’étais enseveli avec le Christ ; aujourd’hui, je ressuscite avec lui… Portons donc nos offrandes à celui qui a souffert et qui est ressuscité pour nous…; offrons-nous nous-mêmes : ce sont là les biens les plus chers à Dieu et les plus proches de lui. À l’image de Dieu qui est en nous, rendons l’éclat qui convient à cette image, reconnaissons notre dignité, honorons notre modèle. Comprenons la puissance de ce mystère et pourquoi le Christ est mort. Rendons-nous semblables au Christ, puisqu’il s’est rendu semblable à nous ; devenons Dieu par lui, puisqu’il s’est fait homme à cause de nous.

Il a pris le pire pour nous donner le meilleur ; il s’est fait pauvre pour nous enrichir par sa pauvreté ; il a assumé la condition de l’esclave pour nous procurer la liberté ; il s’est abaissé pour nous élever ; il a voulu connaître l’épreuve pour nous donner de vaincre ; il a été méprisé pour nous glorifier ; il est mort pour nous sauver ; il est monté au ciel pour attirer à lui ceux qui gisaient dans le péché. Donnons tout, offrons tout ce que nous sommes à celui qui s’est donné comme rançon pour nous. Conscients du mystère de Pâques, nous ne pouvons faire mieux que de nous offrir nous-mêmes en devenant pour le Christ tout ce qu’il est devenu pour nous.

(Références bibliques : Ex 12 ; Ex 5,2 ; 1Co 5,8 ; Gn 1,26 ; 2Co 8,9 ; Ph 2,7)

Saint Grégoire de Nazianze (330-390), évêque et docteur de l’Église
Sermons 45, 2; et 1, 3-5; PG 36, 623; 35, 395 (trad. cf Orval)

Voir la Sainte Face du Christ

Or ce sont nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. (Isaïe 53, 4)

Sur le visage de la Sainte Face du Christ vient se dessiner le visage de la souffrance de tant d’hommes, de femmes, de tant de martyrs.
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face a découvert peu à peu pourquoi elle portait ce nom de la Sainte-Face. Elle a d’abord contemplé la Sainte Face du Christ, elle l’a regardée, aimée. Un jour, sur ce visage de la Sainte Face, elle a vu se dessiner la sainte face de son père : lorsqu’il avait perdu la raison, qu’il n’était plus maître de lui-même, lorsque dans l’atteinte de sa vieillesse il n’avait plus conscience de lui-même. Sur son visage se dessinait le visage de la Sainte Face du Christ, comme elle se dessine pour nous sur le visage de tant d’hommes bafoués, humiliés, de tant d’hommes et de femmes sur les lits d’hôpitaux, enfermés dans la souffrance.
Oui, Seigneur, en ce Vendredi Saint tu es venu rejoindre la douleur et la sainte face de tous les hommes malades, bafoués, rejetés, meurtris, torturés. Ces visages se superposent sur celui de ta Sainte Face. En te regardant sur la Croix, Seigneur, je sais que ce sont nos souffrances que tu portais, nos douleurs dont tu étais chargé. Tu es venu les prendre sur toi pour nous sauver, pour qu’en toi nous trouvions la guérison et que nos fautes soient pardonnées. En ce jour du Vendredi Saint, tu nous montres, tu nous prouves que tu nous aimes jusqu’à l’extrême (Jn 13,1).

Mgr Jérôme Beau

Jésus, pain consacré

 

Entre tous les souvenirs du Christ les plus dignes d’être rappelés, se place évidemment ce repas final de la très sainte Cène, où non seulement l’agneau pascal est donné à manger mais où l’Agneau immaculé, qui efface les péchés du monde, est lui-même offert en nourriture sous l’espèce d’un pain « renfermant toutes les délices et la suavité de toutes les saveurs » (cf. Sg 16,20).

En ce festin, la douceur de la bonté du Christ brille admirable : il soupe à la même table et au même plat, avec ces petits pauvres, ses disciples, et Judas, le traître.

Un admirable exemple d’humilité y resplendit lorsque le Roi de gloire, ceint d’un linge, lave avec beaucoup de soin les pieds de ces pêcheurs et même de celui qui le trahit.

Admirable aussi la générosité de sa magnificence lorsqu’il donne son Corps très saint en nourriture et son Sang véritable en breuvage à ses premiers prêtres et par suite à toute l’Église et au monde entier, afin que ce qui allait bientôt devenir un sacrifice agréable à Dieu et le prix inestimable de notre rédemption soit notre viatique et notre soutien.

Enfin l’admirable excès de son amour y brille plus que tout dans cette tendre exhortation que, « aimant les siens jusqu’au bout » (Jn 13,1), il leur adresse pour les affermir dans le bien, avertissant spécialement Pierre pour fortifier sa foi et offrant sa poitrine à Jean pour un suave et saint repos.

Que toutes ces choses sont donc admirables et remplies de douceur ! Du moins pour l’âme appelée à un repas aussi excellent et qui accourt de toute l’ardeur de son esprit, de façon à pouvoir jeter ce cri du prophète : « Comme le cerf aspire aux fontaines d’eau, ainsi mon âme soupire vers vous, ô mon Dieu ! » (Ps 41,2)

Saint Bonaventure (1221-1274), franciscain, docteur de l’Église
L’Arbre de Vie, §16 (Œuvres spirituelles, t.III, Sté S. François d’Assise, Paris, 1932, pp. 81-82, rev.).

Acceptez que le Christ soit à genoux

Simon-Pierre lui dit : « Toi Seigneur, me laver les pieds ? »
Jésus répond : « Ce que je fais tu ne peux pas le savoir à présent mais par la suite tu comprendras. »
Pierre lui dit : « Me laver les pieds à moi, jamais ! »
– Jésus lui répondit : « Si je ne te lave pas les pieds, tu ne peux pas avoir part avec moi.
(Jean 13, 6-8)

Acceptons que le Christ nous lave les pieds, de nous laisser aimer, porter : acceptons d’être faibles. Quel mystère de voir notre Maître et Seigneur à genoux devant nous dans la position de l’esclave en train de nous laver les pieds… Il nous faut accepter alors de faire pour les autres ce que le Christ Jésus a fait pour nous (cf. Jn 13,14-15).
Accepter de faire les uns pour les autres ce geste du service. L’homme n’est pas fait pour dominer, écraser, mais pour aimer, relever.
Lorsque nous décidons d’aimer, lorsque que nous sommes engagés dans une relation d’amour ou d’amitié, il ne faut pas chercher à capter l’autre pour être comblé par lui. Il ne faut pas chercher à le dominer pour qu’il devienne ce que nous aimerions qu’il soit « pour moi », mais simplement aimer de cet amour qui soulève, porte, qui donne à l’homme d’être élevé comme le Christ a été élevé sur le trône de la Croix pour entrer dans la royauté du Seigneur, la royauté de l’amour par la puissance de la vie, par la puissance du Père. En le ressuscitant, il nous appelle à la Résurrection

Mgr Jérôme Beau

La maison fut remplie par l’odeur du parfum

« L’arôme de tes parfums est exquis » lit-on dans le Cantique des Cantiques (1,3). J’en distingue plusieurs espèces… Il y a le parfum de la contrition, et celui de la piété ; il y a aussi celui de la compassion… Il y a donc un premier parfum que l’âme compose à son propre usage lorsque, prise au filet de nombreuses fautes, elle commence à réfléchir sur son passé. Elle rassemble alors dans le mortier de sa conscience, pour les agglomérer et les broyer, les multiples péchés qu’elle a commis ; et dans la marmite de son cœur brûlant, elle les fait cuire au feu de la pénitence et de la douleur… Tel est le parfum dont l’âme pécheresse doit couvrir les débuts de sa conversion et oindre ses plaies récentes ; car le premier sacrifice qu’il faut offrir à Dieu, c’est celui d’un cœur repentant. Tant que l’âme, pauvre et misérable, ne possède pas de quoi composer un onguent plus précieux, elle ne doit pas négliger de préparer celui-là, même s’il se fait avec des matières bien viles. Dieu ne méprisera pas un cœur qui s’humilie dans la contrition (Ps 50,19)…

Ce parfum invisible et spirituel ne pourra pas d’ailleurs nous sembler vulgaire, si nous comprenons qu’il est symbolisé par le parfum que, selon l’Évangile, la pécheresse a répandu sur les pieds du Seigneur. Nous lisons, en effet, que « toute la maison fut remplie de cette odeur »… Souvenons-nous du parfum qui envahit toute l’Église par la conversion d’un seul pécheur ; tout pénitent qui se repent devient pour une foule d’autres une odeur de vie qui les éveille à la vie. L’arôme de la pénitence monte jusqu’aux demeures célestes puisque, selon l’Écriture, « le repentir d’un seul pécheur est une grande joie pour les anges de Dieu » (Lc 15,10).

Saint Bernard (1091-1153), moine cistercien et docteur de l’Église
10ème sermon sur le Cantique des Cantiques, 4-6 (trad. Beguin, Seuil 1953, p. 152 rev)

La puissance du repentir

Quand le Seigneur a déclaré : « En vérité, je vous le dis, l’un de vous va me livrer », il a démontré qu’il pénétrait la conscience de celui qui devait le trahir. Il n’a pas déjoué le malfaiteur par des reproches sévères et publics, mais il cherchait à l’atteindre par un avertissement tendre et voilé : ainsi le repentir pourrait mieux redresser celui qu’aucun interdit n’avait destitué.

Pourquoi, malheureux Judas, ne profites-tu pas de tant de bonté ? Vois, le Seigneur est tout prêt à pardonner ta démarche, le Christ ne te dénonce à personne, sauf à toi-même. Ni ton nom, ni ta personne ne sont indiqués mais par cette parole de vérité et de miséricorde, seul le secret de ton cœur est touché. Ni l’honneur de ton titre d’apôtre, ni la participation au sacrement ne te sont refusés. Retourne en arrière, abandonne ta folie et repens-toi. La douceur t’invite, le salut t’incite, la Vie te rappelle. Vois, tes compagnons qui sont purs et sans péché s’épouvantent à l’annonce du crime, et comme l’auteur d’une tel mal n’a pas été dévoilé, chacun craint pour soi. Ils sont plongés dans la tristesse, non parce que leur conscience les accuse, mais parce que l’inconstance humaine les inquiète : ils redoutent que ce que chacun sait de soi-même soit moins vrai que ce que la Vérité en personne voit à l’avance. Et toi, au milieu de cette angoisse des saints, tu abuses de la patience du Seigneur, tu crois que ton audace te cache..

Saint Léon le Grand (?-v. 461), pape et docteur de l’Église
Sermon 58, 7ème sur la Passion, § 3-4 ; SC 74 bis

Espérance du monde

Aujourd’hui, dans la nuit du monde et dans l’espérance,
j’affirme ma foi dans l’avenir de l’humanité.

Je refuse de croire que les circonstances actuelles
rendent les hommes incapables de faire une terre meilleure.

Je refuse de partager l’avis de ceux qui prétendent l’homme à ce point captif de la nuit
que l’aurore de la paix et de la fraternité ne pourra jamais devenir une réalité.

Je crois que la vérité et l’amour, sans conditions,
auront le dernier mot effectivement.

La vie, même vaincue provisoirement,
demeure toujours plus forte que la mort.

Je crois fermement qu’il reste l’espoir d’un matin radieux,
je crois que la bonté pacifique deviendra un jour la loi.

Chaque homme pourra s’asseoir sous son figuier, dans sa vigne,
et plus personne n’aura plus de raison d’avoir peur.

Martin Luther King